Mercredi 8 octobre, l’après-midi d’audience au tribunal d’Albi (Tarn) a été entièrement consacré aux témoignages de cinq anciens codétenus de Cédric Jubillar. Entendus tour à tour, certains affirment que le peintre-plaquiste aurait fanfaronné en évoquant un « crime parfait » et reconnu les faits entre les murs de la prison ; d’autres soutiennent exactement l’inverse, ou disent ne plus être en mesure de se prononcer. Depuis l’ouverture du procès le 22 septembre, cette affaire avance ainsi au rythme d’éléments contradictoires qu’il est ardu d’assembler.
un huis clos carcéral propice aux rumeurs
Tous ces témoins ont croisé l’accusé lors d’un passage à l’isolement à la maison d’arrêt de Toulouse-Seysses. Dans ce quartier, les cellules se succèdent sans contact visuel possible. La sociabilité se joue autrement : une fois la nuit tombée, expliquent-ils, des bribes de conversation s’échangent par les fenêtres, de cellule à cellule. Ce contexte alimente parfois des récits fragmentaires, où confidences murmurées, interprétations personnelles et échos de couloir se mêlent.
cinq voix, cinq versions
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le témoin en visioconférence : premier à s’exprimer, il assure n’avoir jamais entendu l’accusé admettre le meurtre. Il raconte l’avoir interrogé une fois, et dit avoir reçu une réponse nette : il n’aurait pas pu faire de mal à la mère de ses enfants.
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des témoins à charge : d’autres, au contraire, disent avoir perçu chez Cédric Jubillar une forme de vantardise, voire la revendication d’un geste prémédité. Le motif, les circonstances et les mots précis divergent toutefois d’un récit à l’autre.
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des mémoires défaillantes : un ou deux intervenants se montrent hésitants, disent ne plus se souvenir avec certitude, ou relativisent la portée de propos qu’ils avaient, à l’époque, jugés flous.
une crédibilité sous microscope
La défense a insisté sur les failles possibles de ces témoignages : souvenirs qui s’érodent, conditions d’énonciation nocturnes, distance entre ce qui a été réellement dit et ce qui a été compris. Elle interroge l’éventuelle influence d’intérêts personnels, de rivalités en détention, voire d’espoir de contreparties judiciaires.
De son côté, l’accusation tente de dégager un fil rouge : derrière les dissonances, elle estime que revient une idée centrale — celle d’un accusé qui se serait, au moins à certains moments, attribué les faits.
un procès où tout se contredit… et tout compte
Cette séquence reflète la tonalité générale des débats depuis le 22 septembre : expertises, écoutes, témoignages de voisinage et éléments matériels sont régulièrement discutés puis remis en question. Chaque pièce du puzzle est contestée, chaque affirmation soupesée, chaque parole recontextualisée. Le tribunal s’efforce de démêler ce qui relève de la confidence, de la rumeur, de la reconstruction ou de la stratégie.
rappel des principes et prochaines étapes
Cédric Jubillar conteste les faits qui lui sont reprochés et bénéficie de la présomption d’innocence. Les déclarations de codétenus, par nature sensibles, ne valent que par les recoupements que la cour parviendra — ou non — à établir avec d’autres éléments. Les audiences à venir doivent revenir sur la chronologie de la disparition, les analyses techniques, ainsi que sur l’entourage familial et amical, afin d’éprouver la solidité des versions en présence.
ce qu’il faut retenir de la journée
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un environnement carcéral d’isolement où les échanges se font sans face-à-face, la nuit, par les fenêtres ;
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cinq témoignages successifs, allant de l’affirmation d’aveux supposés à la dénégation complète, en passant par l’oubli partiel ;
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une crédibilité discutée des récits, dont la valeur dépendra des recoupements avec le reste du dossier.
À ce stade, l’audience n’a pas tranché la question centrale : s’agit-il de confidences authentiques, de malentendus nés de conversations nocturnes, ou de récits reconfigurés par le temps et le contexte carcéral ? La réponse appartient désormais au faisceau d’indices que la cour assemblera, pièce après pièce, jusqu’au verdict.